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Témoignage du terrain : le parcours inspirant d’Yvette dans la construction
Témoignage du terrain : le parcours inspirant d’Yvette dans la construction

9 décembre 2025

Dans un univers encore majoritairement masculin, le parcours d’Yvette Rambour se distingue par sa détermination et sa résilience. Gestionnaire et charpentière-menuisière, elle raconte comment elle a surmonté obstacles et préjugés pour s’imposer dans son milieu. Atypique et inspirant, son parcours reflète une personnalité franche et sans filtre, forgée par ses origines et son expérience.

Avant d’entrer dans le secteur de la construction, Yvette a obtenu un baccalauréat universitaire en sciences politiques et travaillé en gouvernance et planification stratégique. Elle poursuit ensuite ses études avec une thèse sur « la Révolution tranquille ». Mais un déclic survient : « J’avais lu The Blue Zones et compris que je voulais bouger, être dehors, prendre soin de ma santé. J’ai découvert que j’aimais le bois et l’architecture », se souvient-elle.

En 2016, elle entame un DEP en menuiserie. Les débuts sont difficiles : seule femme de sa cohorte, souvent isolée, elle doit se battre pour trouver sa place dans un environnement dominé par les hommes. « J’étais numéro 17 dans la classe, jamais de partenaire. Petit à petit, j’étais mise de côté, et c’était très difficile psychologiquement », confie-t-elle. On lui déconseille même de porter plainte pour ne pas “nuire à l’école”.

Après avoir changé d’établissement pour un milieu plus inclusif, Yvette obtient son DEP en 2018. En collaboration avec l’école et ses collègues, elle participe activement à un projet d’Habitat pour l’humanité. En 2022, elle complète un certificat en gestion de chantiers de construction, qui lui permet de devenir admissible à la licence RBQ pour la construction résidentielle neuve. Cette même année, son engagement et sa persévérance sont récompensés : elle remporte le Grand Prix du concours Chapeau, les filles !, parmi 800 candidatures. « C’était une reconnaissance incroyable. Cela m’a ouvert des portes et m’a permis de travailler dans une douzaine d’entreprises depuis », raconte-t-elle.

Être soi-même dans un milieu masculin

Pour Yvette, s’intégrer ne signifie pas se fondre dans un moule masculin. Elle tient à préserver son identité et son style sur les chantiers. « Je suis une femme sur le chantier de construction. Je ne veux pas me transformer en homme. Je reste fidèle à moi-même. Je veux juste qu’on m’accepte telle que je suis, et qu’on m’embauche pour mon potentiel, pas à cause de la pénurie de main-d’œuvre. »

Cette conviction se traduit par une attitude proactive : arriver tôt, observer le chantier, tendre la main aux collègues et contribuer à créer un climat inclusif. « Je sonde les collègues pour savoir comment ça va, si je peux aider. Ça paraît simple, mais ça crée une cohésion et réduit le turnover, qui peut coûter très cher. Dans la construction, remplacer un charpentier peut coûter jusqu’à 200 % de son salaire annuel en raison des journées perdues, de la formation et de l’intégration. »

Culture de la performance vs. culture d’équipe

Yvette dénonce un paradoxe fréquent : « Les personnes rapides mais avec une mauvaise attitude sont souvent promues, alors que celles avec du potentiel et une bonne attitude sont laissées de côté. Mais un chantier ne peut pas fonctionner en silo : c’est l’équipe dans son ensemble qui crée la productivité. »

Elle insiste sur l’importance de développer les forces de chacun, de coordonner le travail et de créer une dynamique positive plutôt que de privilégier la vitesse individuelle au détriment de l’esprit d’équipe. Ses interventions sont parfois mal perçues lorsqu’elle insiste sur la santé et la sécurité. « Ce n’est pas qu’un slogan pour moi, ni une manière de plaire aux associations qui émettent des contraventions. »

Elle note également que les femmes demeurent rares dans certains métiers et critique les solutions simplistes : créer des entreprises réservées aux femmes ou aux personnes LGBTQ+ ne suffit pas. « L’inclusion, c’est travailler ensemble, dans un environnement respectueux et humain », insiste-t-elle.

Les cinq C selon Yvette

  1. Cœur : agir avec humanité et empathie
  2. Climat : maintenir un environnement sain et respectueux, 1-2-3, c’est assez !
  3. Contrôle : parler aux gens pour identifier les situations problématiques
  4. Compagnon / coach : jumeler les moins expérimentés avec un compagnon ou un coach compétent
  5. Courage : intervenir lorsque qu’un comportement est inacceptable et AGIR

Harcèlement et blagues de chantier : un quotidien vécu

Le harcèlement peut être subtil ou « sous le radar » : regards insistants, blagues à double sens, commentaires déplacés qui, cumulés, créent un climat toxique. « C’est une autre façon de harceler : ils te regardent dans les yeux, ils klaxonnent avec leur machine pour te déranger, ils te testent tous les jours. Mais une fois que tu les désarmes, ça s’améliore… pour un certain temps. »

Les anecdotes d’Yvette révèlent la réalité brute du terrain : harcèlement, blagues sexuelles, images ou documents à connotation sexuelle qui circulent sur les chantiers — menus de cocktails aux noms explicites, photos vulgaires, autocollants sur les casques. « Quand c’est le surintendant qui diffuse ce genre de choses, ça montre le vrai problème : le leadership toxique et l’absence de cadre sécuritaire. » Son message est clair : prévention, inclusion et respect doivent être des pratiques quotidiennes, pas seulement des règles écrites.

L’importance d’un espace sécuritaire et d’un leadership sain

Pour Yvette, le chantier doit devenir un espace sécuritaire de dialogue et de communication transparente, un lieu où chacun peut poser des questions et partager sans crainte. « Il manque des “safe spaces” sur les chantiers : des endroits où parler ouvertement, apprendre sans être jugé. Le leadership toxique et le travail en silo sont des obstacles majeurs à la productivité et à la rétention. »

Elle souligne que la reconnaissance et l’encouragement sont aussi essentiels que la technique : « On ne nous dit pas ce qu’on fait bien, seulement ce qu’on fait mal. Pour quelqu’un d’une minorité sur le chantier, c’est encore plus dur. Il faut des leaders capables de guider, d’encourager et de corriger de façon juste. »

« Si on change le courant sur les chantiers, je pourrai rester dans le domaine, m’épanouir et prendre plaisir à construire. Mais pour ça, il faut du courage, du cœur et des leaders qui agissent. »

Malgré les nouvelles obligations légales, créer un environnement de travail sécuritaire et respectueux demeure un enjeu majeur pour plusieurs entreprises. Entre exigences réglementaires et réalité du terrain, les employeurs ont encore beaucoup à faire pour transformer leur culture organisationnelle. 

> Lisez notre article sur la modernisation de la Loi 27

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